Pour ce premier article qui retrace notre road-trip, on vous fait débarquer au Wip, près de Caen. Attachez-vos ceintures, c’est parti !
Quand on arrive à Colombelles, sur les hauteurs de Caen, s’ouvre une friche industrielle immense, au milieu de laquelle trône cette tour que l’on appelle “le Chaudron”. Elle nous guide à la façon d’un phare, tout droit jusqu’au Wip : un espace coopératif et citoyen, hybride, ouvert à de multiples activités professionnelles et associatives ! Au service du territoire, il permet de se rencontrer, co-construire, partager et expérimenter autour de valeurs sociales et éco-responsables.
La Grande Halle, cet ancien atelier de 2 200 m2, témoigne aujourd’hui de l’histoire ouvrière de tout un territoire. Entre 1917 et 1993, et au plus fort de son activité industrielle, la Société métallurgique de Normandie y a employé plus de 6 000 travailleurs et produit jusqu’à 4 % de l’acier français. La fermeture du site et son abandon ont laissé la place à un vide d’activité sur 160 hectares.
Vingt ans plus tard, le propriétaire de la Grande Halle et des 20 000 m2 environnants, la SEM (Société d’Économie Mixte) Normandie Aménagement, décide de réinvestir ce lieu et de lui redonner vie. Finalement, ce sont Ophélie Deyrolle et Pauline Cescau qui reprennent le flambeau en créant le Wip aux côtés d’une équipe à l’énergie incroyable.
Lors de notre visite en décembre dernier, alors que la Grande Halle est encore laissée aux quatre vents par les travaux de réhabilitation en cours, on trouve déjà au Wip les bureaux d’une vingtaine de travailleurs indépendants. Des événements culturels et ludiques y sont organisés régulièrement : concerts, chantiers collectifs, grands déjeuners collectifs , “Wipéros” après le travail…
Comme on aime le terrain, Ophélie ne tarde pas à nous faire visiter la Grande Halle : on profite de la pause déjeuner des travailleurs, et on se munit de nos casques et de nos bottes de chantiers !
On imagine très bien le potentiel immense du lieu, dans un décor qui composera entre la structure historique en béton et le bois des nouveaux espaces. Une multitude d’activités s’y dérouleront sur 3 niveaux :
Au rez-de-chaussée, la petite nef sera composée d’un bar-restaurant, d’une conciergerie et d’ateliers à partager. On voit déjà se profiler la ruée vers le Wip des quelques 2500 personnes qui travaillent à proximité, à l’heure de la pause déjeuner ou de l’apéritif. Juste à côté, la grande nef de 1100 m2 permettra de donner vie à de nombreuses initiatives et à une programmation détonante. Des espaces de bureaux partagés et des salles de réunion prendront place au-dessus. Enfin, le dernier étage sera dédié aux activités culturelles avec des salles de répétition et de création artistique.
Mais avant, il reste encore un an de chantier (ce qui fera au total 2 ans) et l’on perçoit alors mieux la temporalité d’un tel projet. S’il avait fallu attendre “les bras croisés” la fin des travaux de la Grande Halle pour commencer à faire vivre le lieu, il ne se serait rien passé de concret jusqu’à aujourd’hui…
C’est là que la Cité de Chantier entre en jeu : dès le printemps 2016 le Wip avait fait appel au Collectif ETC pour créer ce véritable lieu de préfiguration.
La Cité de Chantier peut être considérée comme le totem du Wip : repère et espace commun pour celles et ceux qui portent la démarche du “faire ensemble un tiers lieu”, elle a permis d’initier le projet et de l’intégrer dans une dynamique et une cohérence d’ensemble.
L’acronyme du Wip, “Work in progress”, prend alors tout son sens ! Vous découvrirez avec nous à l’Hôtel Pasteur de Rennes que l’inspiration vient d’un certain Patrick Bouchain…
La Cité de Chantier a été réalisée à partir de 75 % de matériel de réemploi et de 7 conteneurs. Ses deux étages peuvent accueillir 250 personnes : c’est à la fois un espace de travail pour des entrepreneurs, un lieu culturel et d’inclusion sociale et la “base vie” pour les professionnels qui réalisent les travaux de la Grande Halle. Tout ça a, bien sûr, été réalisé dans le respect des normes d’accès au public. En 2017, plus de 2 000 visiteurs ont franchi les portes du Wip grâce à la Cité de Chantier. C’est ici qu’on a passé la journée à faire connaissance et à échanger avec l’équipe.
L’approche autour du réemploi des matériaux interpelle particulièrement Mathieu et Loïc car c’est un sujet innovant au coeur de l’actualité dans le secteur du bâtiment, qu’ils comptent bien mettre en oeuvre pour les travaux de l’Hermitage !
Grâce aux explications de Stéphanie Paly (maître d’oeuvre qui porte ces opérations au sein du Wip), ils trouvent les premières réponses à leurs questions autour d’un repas convivial avec l’équipe. “Le réemploi” a été intégré au centre du jeu en tant que lot de travaux à part entière. Il représente en interne le travail d’une personne à temps plein.
Dans l’après-midi, la session commune de travail permet d’approfondir le sujet et de mieux comprendre : Comment cette expérimentation ambitieuse a été mise en place ? De quelle façon elle a pu être menée en interne ?
Ce cheminement et cette mise en pratique intéressent en particulier l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) qui en est devenue partie prenante : le réemploi des matériaux dans le secteur du bâtiment s’inscrit pleinement dans la vision de l’économie circulaire que cette agence étatique défend.
Stéphanie nous a aussi expliqué comment cette démarche, l’expertise et les savoir-faire développés par Le Wip participent à impulser une dynamique locale avec les différents acteurs du bâtiment : par exemple, en accompagnant deux maîtres d’ouvrage normands (Calvados Habitat et le Conseil Général du Calvados) dans le cadre d’un projet d’ampleur à l’échelle de la Normandie. Et le Wip fait carrément la couverture de la feuille de route de la stratégie régionale de Normandie pour une économie circulaire !
Cela illustre à merveille la place centrale et le rayonnement qu’un tiers-lieu peut avoir sur son territoire, et on ne vous cache pas que cet ancrage résonne très fort avec des intuitions que l’on avait à l’Hermitage.
Par ailleurs, face à l’émergence des multiples activités déjà en place, et de celles qui vont débarquer dans la Grande Halle, la création début 2018 de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) Le Wip & Co semble très pertinente : cette structure permettra d’appuyer l’association dans l’animation et la gestion d’un site en pleine ébullition.
Grâce à cette visite, on comprend mieux comment Le Wip a réussi à fédérer plus de 360 adhérents et de nombreux acteurs en si peu de temps, alors même que les travaux n’ont été lancés que récemment.
Si vous passez dans le coin, et même s’il y a encore un chantier en cours, arrêtez-vous ! Il se passe toujours quelque chose au Wip !
Un immense merci à Ophélie Deyrolle, Pauline Cescau, Stéphanie Paly, et à toute l’équipe du Wip pour votre accueil ! Et spéciale dédicace à notre ami Yannick Reix du cinéma le Café des Images pour la nuité à Caen !
NB : le souvenir de cette journée aura toujours une saveur particulière pour nous, puisque c’est ce jour là que la signature du prêt bancaire pour l’achat du site de l’Hermitage a eu lieu !